AAPPQ
13/05/2021
Le 12 mai dernier, une centaine de personnes ont participé au 3e Forum Marchés publics et Architecture, organisé par l’AAPPQ. Donneurs d’ouvrage (représentants de municipalités, du réseau de l’éducation et de la santé, de la SQI ou du Conseil du trésor), architectes en pratique privée et autres représentants de l’industrie de la construction étaient présents virtuellement pour échanger sur les enjeux d’attractivité des marchés publics et les pistes de solution pour accroître l’intérêt des firmes envers les appels d’offres.
Après une conférence d’ouverture qui a permis de dévoiler les principales conclusions de l’enquête visant à évaluer le niveau d’intérêt des entrepreneurs et des professionnels envers les marchés publics, deux panels de discussion se sont tenus. Le premier échange a porté sur l’importance de l’expression de besoins dans les appels d’offres et le deuxième panel s’est concentré sur les enjeux des clauses contractuelles et le transfert de risques pouvant créer un désintérêt des firmes.
Bien planifier les projets pour des appels d’offres plus clairs
Une firme répondra adéquatement à un appel d’offres si elle connait précisément la portée de services que le donneur d’ouvrage exige. « Nous voyons encore beaucoup d’appels d’offres avec des éléments très flous ou incohérents. Par exemple un budget de projet estimé entre 3 et 5 M$ ou avec un échéancier qui semble à première vue irréaliste », note Jonathan Bisson, architecte associé qui est intervenu dans le premier panel. Il est alors difficile de faire une proposition de services précise et cela démontre que les besoins de certains donneurs d’ouvrage ne sont pas assez définis ou peu clairs.
Pour les donneurs d’ouvrages présents au Forum, la planification des projets et les étapes avant de lancer un appel d’offres sont primordiales. Au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord (CISSS), Chantale Noël précise qu’en amont, le CISSS s’appuie sur un processus de consultation et de validation qui permet notamment de recueillir les besoins précis des usagers (équipes médicales, patients, équipements, etc.) et de les traduire dans des documents d’appels d’offres.
La Ville de Laval, quant à elle, s’appuie sur un cadre de gouvernance avec différentes étapes à franchir avant de lancer un appel d’offres. Les études d’avant-projet sont des outils indispensables prévus dans ce cadre et qui permettent notamment de préciser les besoins fonctionnels et techniques, les coûts et l’échéancier. Le cadre de gouvernance est en train d’être revu et sera progressivement appliqué à l’ensemble des projets de la Ville. « Ces documents, comme les contrats, sont évolutifs, ils doivent s’adapter à la réalité du marché qui évolue très vite », précise Mme Le Sauteur.
Il y a toujours des éléments inconnus dans un projet, mais dans ces cas là, la Ville de Laval prévoit une enveloppe budgétaire pour permettre à l’architecte d’analyser ces éléments et de proposer des solutions. Le CISSS de la Côte-Nord utilise également cette approche, afin que les architectes puissent participer à la définition de besoin en étant rémunérés pour cela.
Il a aussi été mentionné que les contraintes des donneurs d’ouvrages liées à la planification et aux échéances de livraison peuvent les amener à réduire les délais dédiés aux phases de conception. Or ces étapes sont primordiales pour définir les éléments qui auront des conséquences sur les coûts de construction d’une part, mais aussi sur les frais d’exploitation et d’entretien des bâtiments. Les architectes sont des partenaires des clients publics dans ce contexte.
Favoriser la collaboration plutôt que la confrontation
Donneurs d’ouvrage et architectes étaient d’accord : la clé de succès des projets repose en grande partie sur la collaboration entre tous les intervenants, dont celle entre le client public et les architectes. Cette collaboration et cette confiance sont parfois mises à mal par certaines clauses présentes dans les contrats publics, comme des clauses de pénalités en cas de retard. Pour Krystel Flamand, architecte associée, il est évident que depuis quelques années, elle assiste à une judiciarisation de la relation client-architecte, parfois au détriment de la collaboration; « nous devenons des architectes-juristes par nécessité, mais nous préférons faire un projet de qualité main dans la main avec notre client, sur un mode collaboratif », a-t-elle précisé.
Pour Mme Fournier, du Centre de services scolaire des Samares, le contrat doit être adapté au projet, il peut y avoir certaines exigences et des clauses inhérentes à un contexte particulier, par exemple un échéancier rigide lié à la rentrée des élèves. L’important, c’est que le tout soit transparent et clair, pour que les firmes soumissionnent en toute connaissance de cause.
Finalement, les risques liés à certaines clauses contractuelles peuvent être trop importants pour des firmes et souvent il n’est pas possible d’ajuster les honoraires avec une contingence. Soumissionner est une décision d’affaires et certaines des firmes décideront de s’abstenir, estimant que les risques pour leur entreprise sont trop grands. Les clauses contractuelles problématiques contribuent alors à diminuer l’intérêt des bureaux d’architectes pour les contrats publics.
Réévaluer les honoraires et accroître l’accessibilité des marchés publics
Tout au long du Forum, les questions des honoraires liés au décret et les modes d’octroi de contrats dans le milieu municipal étaient présentes. Comme l’a précisé Mme Flamand, « entre le décret désuet et des taux horaires qui n’ont pas été réévalués depuis 2009 pour les ministères et organismes, et le mode à deux enveloppes qui favorise le plus bas soumissionnaire dans les municipalités, les firmes d’architecture n’ont pas beaucoup de marges de manœuvre pour accepter des risques plus importants dans les contrats publics ». Les donneurs d’ouvrage représentants les ministères et organismes ont également plaidé pour que le décret soit revu.
Par ailleurs, des enjeux ont été soulevés par certaines firmes quant à la difficulté d’accéder aux marchés publics, soit parce que les exigences et les critères de sélection sont peu ouverts, soit parce que les modes de sélection des professionnels qui favorisent le plus bas soumissionnaire ne les intéressent pas.
L’AAPPQ travaille bien sûr sur ces enjeux. De nombreuses représentations auprès du Secrétariat du Conseil du trésor sont effectuées pour que soit revu le Décret définissant les honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des architectes, notamment une indexation urgente des taux horaires. L’Association travaille aussi avec des donneurs d’ouvrage publics, notamment la SQI ou le Secrétariat du Conseil du trésor, pour faciliter l’accès aux marchés publics. L’AAPPQ fait aussi des représentations auprès des municipalités pour les sensibiliser aux opportunités que leur offre la loi 122, permettant de considérer davantage la qualité dans les appels d’offres municipaux.
L’AAPPA remercie chaleureusement tous les intervenants qui ont contribué aux échanges lors de ce Forum, ainsi que les partenaires, Hydro-Québec et le BSDQ.
Lyne Parent, directrice générale de l'AAPPQ et Norma Kozaya, vice-présidente Recherche et économiste en chef pour le Conseil du patronat du Québec (CPQ)
André Rainville, président-directeur général de l’Association des firmes de génie-conseil –Québec (AFG), Chantale Noël, chef des services techniques et de la planification pour le CISSS de la Côte-Nord, Jonathan Bisson, architecte associé chez Bisson et associés, Marie-Claude Le Sauteur, directrice du Bureau des grands projets de la Ville de Laval et Lyne Parent, directrice générale de l’AAPPQ.
Jean-Philippe Brosseau, directeur principal conseil en management chez Raymond Chabot Grant Thornton
Anne Carrier, présidente du conseil d'administration de l'AAPPQ
Annie Fournier, directrice du service des ressources matérielles pour le Centre de services scolaire des Samares, Krystel Flamand, architecte patron chez Vincent Leclerc Architectes, Richard Taylor chef de service, approvisionnements pour la Ville de Brossard et Jean Patrick Dallaire avocat associé chez Langlois Avocats.