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L’incorporation a-t-elle une réelle valeur pour les architectes?

L’incorporation a-t-elle une réelle valeur pour les architectes?

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20/06/2019

En tant qu’architecte en pratique privée, que vous soyez travailleur autonome ou en société en nom collectif, vous avez probablement entendu parler d’incorporation. De quoi s’agit-il? En quelques mots, c’est l’action de créer une société par actions – communément appelée « compagnie »– pour y gagner des revenus d'entreprise. Depuis plusieurs années maintenant, votre ordre professionnel vous permet l’incorporation.

Examinons ensemble cinq mythes entourant l’incorporation afin de voir si cette option est pertinente dans votre situation.

 

Mythe n°1 – Être enregistré ou incorporé, c’est la même chose

  • Être incorporé signifie créer une société par actions (SPA). Cette SPA recevra les revenus de votre entreprise, paiera les dépenses d’affaires et devra produire une déclaration de revenus.
  • L’enregistrement est un concept beaucoup plus large. Plusieurs entreprises, incorporées ou non, doivent s’enregistrer afin de regrouper toute l’information concernant leurs activités dans un registre public. Un architecte non incorporé pourrait devoir s’enregistrer mais, en l’absence d’incorporation, les revenus gagnés dans le cadre de son entreprise s’ajouteront à sa déclaration de revenus personnelle.

 

Mythe n°2 – Il faut avoir plusieurs clients pour incorporer sa pratique

Chaque mythe cache un fond de vérité. Puisque le traitement fiscal d’une SPA peut procurer certains avantages comparativement à celui d’un salarié, les autorités fiscales ne souhaitent pas qu’une personne, normalement à l’emploi d’une entreprise, offre à celle-ci des services par l’entremise d’une SPA. Dans un tel cas, les autorités fiscales considèrent que la SPA est une « entreprise de prestation de services personnels » et les conséquences fiscales peuvent être fâcheuses.

Que vous n’ayez qu’un seul client ou que vous en ayez des dizaines, assurez-vous qu’il n’y a aucune ambiguïté. Si votre statut de chef d’entreprise est clairement établi, vous serez libre d’utiliser les outils requis par votre profession, de choisir votre horaire de travail, d’effectuer des mandats auprès d’autres organisations, et plus encore. Pour éviter tout problème, clarifiez votre situation auprès des autorités fiscales.

 

Mythe n°3 – Être incorporé permet de réaliser des économies d’impôt

Effectivement, l’incorporation permet de reporter le paiement de l’impôt et peut ainsi vous procurer un certain enrichissement au fil du temps. Par contre, on ne peut pas vraiment parler d’économies fiscales. Voici un exemple pour y voir plus clair.

  • En 2019, un salarié ayant un revenu de 100 000 $ paie environ 28 800 $ d’impôt, excluant les charges sociales.
  • Pour la même année, une SPA ayant un revenu de 100 000 $ paie 15 000 $ (1) d’impôt. Si la comparaison s’arrête ici, il peut sembler qu’une SPA permet de réaliser des économies d’impôt substantielles.
  • Dans le cas de la SPA toutefois, le montant résiduel de 85 000 $ (100 000 $ - 15 000 $) ne peut servir à payer l’épicerie, une hypothèque ou toute autre dépense personnelle. Pour pouvoir utiliser cet argent dans un but personnel, il faut le verser à l’actionnaire sous forme de dividende imposable. En 2019, un dividende ordinaire de 85 000 $ génère un impôt d’environ 15 800 $.
  • Un salarié qui gagne un revenu de 100 000 $ paierait donc 28 800 $ d’impôt par rapport à 30 800 $ pour un chef d’entreprise incorporé, tenant compte de l’impôt payé par la SPA (15 000 $) et de l’impôt payé par l’actionnaire pour sortir l’argent de la SPA sous forme de dividende (15 800 $).

Il faut cependant comprendre que le fait de payer un impôt plus faible permet à la SPA de disposer de plus d’argent pour faire des investissements tels qu’acheter de nouveaux équipements ou une bâtisse commerciale, ou encore investir pour la retraite de l’actionnaire. Ces bénéfices peuvent être quantifiés à long terme et ainsi justifier l’incorporation de la pratique.

 

Mythe n°4 – Être incorporé permet de déduire plus de dépenses

Que vous soyez travailleur autonome ou que vous pratiquiez au sein d’une entreprise incorporée, les dépenses que vous pouvez déduire sont essentiellement les mêmes. La possibilité de déduire plus de dépenses ne devrait pas être un facteur déterminant pour incorporer votre pratique.

 

Mythe n°5 – Un chef d’entreprise incorporé est protégé de toute poursuite

La SPA est une personne morale distincte de ses actionnaires. Elle pourrait être poursuivie et faire faillite, sans avoir d’effet direct sur les avoirs personnels de ses actionnaires. Il faut cependant demeurer vigilant. Malgré une certaine forme de protection sur le plan juridique, plusieurs situations peuvent quand même avoir des effets directs sur les avoirs des actionnaires.

  • Prenons l’exemple d’un architecte qui peut être reconnu personnellement responsable d’une faute professionnelle, et ce, même s’il exerce sa pratique dans le cadre d’une SPA.
  • Une autre situation fréquente est l’exigence exprimée par les institutions financières que l’actionnaire garantisse les prêts consentis à la SPA. Dans un tel cas, même si la SPA n’est plus solvable, l’actionnaire devra puiser dans ses épargnes personnelles pour rembourser les créanciers.

En conclusion, la valeur réelle de l’incorporation dépend de votre situation. Que ce soit du point de vue fiscal ou légal, elle peut présenter de nombreux avantages. Des professionnels en fiscalité et en incorporation pourraient vous aider à déterminer la structure d’entreprise à privilégier afin de limiter les risques financiers et accroître la protection offerte par votre SPA. Une analyse approfondie de votre situation et une évaluation de tous les facteurs impliqués sont essentielles. Pour réussir en affaires, mettez toutes les chances de votre côté!

 

Benoit Chaurette, M. Fisc., Pl. Fin.
Directeur, Pratique professionnelle
Financière des professionnels
https://www.fprofessionnels.com/votre-profession/architecte/

 

Note : l’AAPPQ est actionnaire de Financière des professionnels depuis 1986.

 

 (1) En supposant qu’il s’agit d’une société privée sous contrôle canadien, que le nombre d’heures travaillées par ses employés dépasse 5 500 heures par année et que son plafond des affaires est supérieur à 100 000 $.